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Odile Gilbert - Chevalier des arts et lettres

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Odile Gilbert et Rocco par Eric Metenier

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SEDUCTIVE Odile Gilbert

SABINE MORANDINI : Une reconnaissance officielle en tant qu'artiste, est-ce que tu penses que c'est un premier pas vers une vraie reconnaissance artistique des coiffeurs studios?

ODILE GILBERT :
Oui, puisque je suis la première! mais ça correspond à un livre, à un business, ça correspond à beaucoup de choses.

SM : Ca fait quoi d'avoir la même médaille que Rambo?
OG : J'en sais rien (rires !). Je me disais ça apporte quoi? des subventions, de le reconnaissance, pour moi c'est comme aller travailler en fait, il faut faire un discours, comment faire un discours, etc. C'est bien, je ne peux pas dire que je ne me rend pas compte, c'est génial mais je suis assez réaliste.

SM : Tu as vécu aux Etats-Unis que retires-tu de ton expérience Américaine?
OG : Tu apprends à te débrouiller, car tu n'as pas tout ce qu'il y a en france, tu n'as aucune sécurité, ça t'oblige à avancer, tu n'as pas le choix, pour moi ou qui ce soit!

SM : L'énergie créative est-elle compatible avec des impératifs commerciaux?
OG : Oui, la création est une chose, le commerce c'est autre chose, ça peut se rejoindre, ça a du mal car ce sont deux mondes différents, même quand on est créatif il faut avoir les pieds sur terre donc il faut penser de toute façon a gagner de l'argent. La mode est de plus en plus présente partout dans le monde, la concurrence s’accroît, je me déplace partout pour travailler, aujourd’hui c’est la Chine, la Russie, demain c’est l’Inde !

SM : Parmi toutes les personnalités que tu as eues entre les mains, quelle est celle avec qui tu as pris le plus de plaisir à travailler ?
OG : J'ai beaucoup aimée travaillé avec Sofia Coppola sur Marie-Antoinette, j'ai travaillé avec Maggie Cheung dernièrement que j'adore aussi. Le milieu de la mode c'est des rencontres, les gens choisissent, je ne sais pas pourquoi c'est moi plus qu'une autre personne, c'est vraiment une question de personnalité, ce n'est pas seulement au niveau du travail, il y a quelque chose en plus, un espèce de feeling avec des gens. Pourquoi j'ai rencontré des gens comme Avedon, Newton...Ce sont des croisements d'énergies. Je ne crois pas à l'image des gens fantaisistes, on disait toujours quand je travaillais avec John Galliano "il est très excentrique"je ne l'ai pas perçu comme tel, il travaille beaucoup en fait. C'est pareil pour Karl Lagerfeld et Jean-Paul Gaultier, il faut dépasser cette vision, c'est plutôt une vision de travail! jour et nuit.

SM : As-tu encore des rêves de collaboration artistique?
OG : Je ne sais pas, je suis toujours surprise quand quelqu'un appelle. Il y a des choses qui se passent qui arrivent comme ça ,je ne calcule pas, quand j'ai rencontré Sofia Coppolla, je lui ai dit que j'avais une grande passion non pas pour le travail de son père mais pour un documentaire que sa mère a réalisée qui s'appelle " Hearts of Darkness ", la vérité derrière les films, ça explique en fait toute l'histoire d'Apocalypse Now, mais dans une réalité, elle était maman avec deux petits enfants au Vietnam, et à travers son film elle explique toute l'histoire du tournage, avec tous les cauchemars qu'il y a eus, toutes les difficultées, ce film m'a beaucoup marqué. C'est elle aussi qui a réalisé le making-of sur Marie-Antoinette, c'est une femme géniale, ce sont souvent les gens très normaux qui ont l'air de rien, qui sont justement intéressants à rencontrer. C'est beaucoup plus impressionnant que les gens qui font beaucoup de bruit. J'avais déjà travaillé avec Sophia Copolla, mais ce qui a déclenché cette collaboration c'est mon livre, comme quoi, on ne peut pas tout calculer.

SM : Ca c'est passé comment le tournage sur Marie-Antoinette?
OG : Génial! Je me suis occupée de la reine Marie-Antoinette, j'ai fait la création de tous ses looks, je suis intervenue sur la création 6 mois avant et ensuite, je suis intervenue une quinzaine de fois sur le tournage. Ce sont des gens qui savent ce qu'ils veulent ,qui sont créatifs. J’ai collaboré avec Milena Canonero, styliste très reconnue dans le cinéma qui a travaillé sur Barry Lindon. En fait c'est le même travail de recherche que dans la mode, basé sur des faits et ensuite faire évoluer l’ensemble.

SM : As tu de nouveaux projets?
OG : Oui,mais j'en parle quand ils sont faits! Sinon, ça porte malheur!

SM : Qu'est-ce qui motive le choix des jeunes créateurs avec lesquels tu collabores?
OG : C'est une question de feeling, de confiance qui s'etablit, je pense que les maisons ont besoin de se sentir bien avec leurs collaborateurs, puis je trouve que c'est super important de rester ouvert et de rencontrer des gens nouveaux dans le métier, car rien n'est jamais acquis !.

SM : Quel a été ton premier défilé?
OG : John Galliano, j'étais épuisée, un mois de préparation, dire que je ne voulait pas faire de défilés.Ca à été un gros stress, mais ça a enclenché tout le reste car ensuite tout le monde m'a demandé.

SM : Comment abordes-tu les collections?
OG : En force! c'est un travail d'écoute, je n'arrive jamais en disant j'ai une idée géniale de coiffure, il faut réaliser quelque chose que les clients désirent. L'écoute c'est dépasser les mots, c'est sentir, essayer de capter une vision et l'interpréter à travers le travail que je vais réaliser. Je propose des choses pour voir si déjà on est dans la bonne direction, ca se fait en plusieurs étapes. Ca se situe au même niveau que coiffer quelqu'un, on ne le fait pas pour se faire plaisir a soi, il faut arriver à comprendre la personne. Entrer dans l'imaginaire, est la chose la plus difficile qui soit, c'est beaucoup de psychologie, de sensibilité.

SM : Y a-t-il beaucoup de choses sur tes murs quand tu travailles?
OG :
Non, tout est dans la tête. C’est comme en thérapie, il faut arriver à extraire ce qu’on a en tête et le transcrire par écrit, la réalisation est la chose la plus importante, il faut arriver à concrétiser ses idées.

SM : Qu’est-ce qui te passionne le plus dans tes réalisations?
OG :
Le résultat, on est obligé de passer la technique de l'oublier, pour être juste il faut l’avoir digérer. Il faut accepter de faire des erreurs pour aboutir à quelque chose de bien, c'est une philosophie qui est valable aussi dans la vie. Il faut de l'humilité, ce n’est pas de l’art ce qu’on fait, il faut laisser les choses à leur place ,on crée de l'image et on existe que par l'image.

SM : Est-ce qu'il y a eu des changements fondamentaux, révolutionnaires, de nouvelles techniques pour les cheveux?
OG : Il y en a sans arrêt, les extensions sont une évolution qui rend possible toutes les envies, si une fille doit être brune, on l'a fait brune, on ne se dit plus que ça ne va pas être faisable ! c'est la technique qui donne le plus de liberté. Pour moi comme pour tout le monde, les actrices, les mannequins, ça a déclenché une révolution aussi importante pour les cheveux que l'arrivée du computer dans la vie de tous les jours. La couleur est une chose très importante aussi, il n'y a pas une blonde qui est naturelle sauf si elle est née en Suède mais être blonde et colorée ça a un coût, toutes les 3 semaines elle doit refaire sa coloration. Pour les salons de coiffure c'est la chose la plus importante, entre les femmes qui ont besoin ou de balayage ou de couleurs, avec l'âge.
Sinon les techniques sont toujours les mêmes, je me demande juste si aujourd'hui un coiffeur a une formation aussi complète qu’auparavant, les nouvelles écoles aujourd'hui forment plus sur un rendement, les coiffeurs n'apprennent pas toutes les anciennes techniques et comme la mode est un éternel recommencement,
ça pose un problème. J’ai appris le métier de coiffeuse dans une école de coiffure ou j’ai été formé pendant trois ans.
Les jeunes coiffeurs qui sortent de l'école et qui veulent m’assister sont obligés à travers moi d’acquérir ces techniques, je me suis retrouvée sur des shows ou les coiffeurs n’avaient pas suffisamment de méthode,
on ne peut pas faire autrement, il faut connaître les bases. Je n'emploierai jamais personne qui n'est pas passé par un salon ou une école ou quelque chose.

SM : Quelles sont tes références? Est-ce que tu as une période de prédilection?
OG : Non, et je trouve qu'ils ne faut pas en avoir, par contre il faut connaître les périodes. Je passe d'une saison a l'autre, d’une maison à l’autre, c'est comme changer de chaine,on zappe.

SM : Comment décrirais-tu ton univers?
OG : Vitesse, évolution, zapping.

SM : Qu'est-ce que tu aimes dans ta ville? Quel quartier?
OG : Paris est la plus belle ville du monde, j'aime le 11eme, j'aime les quartiers populaires, j'aime sentir la vie, les marchés, les commercants, une vie normale. J’aime l’Opéra Garnier, on dirait un gâteau.

SM : C'est important la mode?
OG : Oui !c'est très important la mode, ça fait vivre beaucoup de monde, c'est un patrimoine en France, des écoles de broderie, de savoir-faire etc... ça existe ailleurs, mais ici c'est assez impressionnant, ce n’est pas la même démarche.

SM : Mes amis s'inquiètent beaucoup, est ce que tu penses que le brushing pour homme risque de revenir?
OG : Eh bien oui, pourquoi pas ! je trouve qu’ il y a un marché de l'homme qui doit se développer! toute la beauté existait à travers la femme, maintenant l'homme est aussi concerné sinon pire.

SM : Tu es plutôt Canard laqué ou cheveux d'anges?
OG : Cheveux d'anges ! 


Propos recueillis par Sabine Morandini le 26 avril 2006 - Paris
 



Le 12 juillet 2006 a eu lieu la remise de la médaille de chevalier des arts et lettres à Odile Gilbert, pour sa contribution au développement du savoir faire français dans le monde.Odile, c’est une des plus belles carrières de la mode mais c’est bien plus qu’une très belle réussite. C’est une vraie, une pure. Qui donne ses lettres de noblesse à la coiffure de mode.
 

REMERCIEMENTS

Maya & Eric



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Epingles à cheveux Odile Gilbert

Réalisé par Sabine Morandini



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