Perdu de vue
Décidément, Takeshi Kitano ne frappe jamais là où l’on attend. Virevoltant du polar dur (Hana-Bi, Aniki mon frère) à la chronique intimiste (L’été de Kikujiro), de la chronique intimiste au chambara (autrement dit le film de samouraï avec Zatoïchi), il donne avec Takeshis’ dans une forme inédite de farce somnambulique, d’auto portrait tronqué…
En clair, la « chose », un ovni, est indéfinissable, inclassable ; aucune étiquette n’y adhère vraiment. Elle repose sur la personnalité de sosies aussi semblables physiquement qu’opposés psychologiquement. L’un est une arrogante star de la télévision et du cinéma, « moi-même tel que les Japonais m’imaginent » s’esclaffe Kitano dans les interviews. L’autre exerce le métier de vendeur dans une superette. Totalement ahuri, il se présente à un casting et croise le jumeau qui n’est pas son frère. A partir de là, Takeshis’ part en vrille, sous prétexte, dixit toujours Kitano, que l’un « rêve ce que pourrait être la vie de l’autre ». Délicat d’y définir précisément la frontière entre rêve et réalité, surtout que le réalisateur interprète prend un malin plaisir à brouiller les pistes, à dissoudre le réel, achevant l’exercice par un bain de sang auto parodique qui prend des airs de pied de nez. Entre temps, Takeshis’ en aura vu passer d’autres, tantôt crispant et hermétique, tantôt délirant et apathique, jamais très clair sur ses intentions… D’ailleurs, Takeshi Kitano peine à s’expliquer, déjà presque résigné à tourner un autre Zatoïchi pour rattraper les probables pertes financières du trop décalé Takeshis’.
Un film japonais de Takeshi Kitano.
Avec Takeshi Kitano, Kotomi Kyono, Kayoko Kishimoto & Ren Osugi.
Durée : 1 h 48.
Sortie : 05 juillet 2006.